Agriculture contractuelle : une approche pour le Développement agro-industriel en Afrique ou une utopie ?

Cet article s’intéresse à une réflexion sur l’émergence de l’agriculture contractuelle au sein de plusieurs chaînes de valeurs agricoles en Afrique. En effet, l’agriculture contractuelle est considérée comme un outil efficace pour surmonter les contraintes auxquelles sont confrontés les acteurs agricoles. Depuis quelques années, nous observons sur le continent l’émergence d’énormes projets agricoles et agro-industriels basés sur la contractualisation entre les différents maillons des  chaînes de valeur.  Seulement, plusieurs questions subsistent encore quant à leur pertinence et on se demande, entre autres, à quelle condition l’agriculture contractuelle serait une approche pour le développement agricole ? Quelles pourraient être les actions des différents acteurs impliqués dans l’agriculture contractuelle pour son essor ?

En quoi consiste l’agriculture contractuelle ? 

L’agriculture contractuelle, entre agriculteurs et entreprises d’amont ou d’aval, est présentée comme un outil majeur pour la construction et le renforcement des filières. Il existe plusieurs définitions de l’agriculture contractuelle, mais la définition donnée par Rehber (2007) est la plus explicite et pertinente dans le contexte de notre article. Il s’agit, selon lui, d’un « accord contractuel écrit ou oral non cessible entre des exploitants agricoles et d’autres entreprises, stipulant une ou plusieurs conditions de production et une ou plusieurs conditions de commercialisation d’un produit agricole ».

Cet article de @Florent_Toto s'interroge sur les conditions préalables à la réussite de l'Agriculture contractuelle et propose des approches de solution réalistes. Share on X

Quels sont les avantages de l’agriculture contractuelle pour les producteurs et les promoteurs ? 

Les avantages de l’agriculture contractuelle pour les producteurs sont très variés : le promoteur fournit fréquemment les intrants et les services de production, cette fourniture se fait en général à crédit par le biais d’avances du promoteur ; l’agriculture contractuelle introduit souvent une nouvelle technologie et permet aussi aux agriculteurs d’apprendre de nouvelles méthodes, les agriculteurs courent souvent moins de risques relatifs aux prix, beaucoup de contrats sont établis d’avance et l’agriculture contractuelle peut ouvrir de nouveaux débouchés aux petits agriculteurs qui autrement leur auraient été inaccessibles

Du côté des promoteurs (agro-industriels, exportateurs, transformateurs agro-alimentaires, commerçants, etc.) de l’agriculture contractuelle, nous pouvons distinguer plusieurs avantages qui sont : des coûts d‘investissements et d’opérations pour la production réduits (terres, machines, personnel) ; des coûts du personnel réduits grâce à l’externalisation de la production/ intermédiaires sous-traitants ; des coûts de transaction réduits pour (i) la coordination due à des contrats conclus pour un approvisionnement régulier et stable, et (ii) l’approvisionnement dû aux économies d’échelle, à une productivité plus élevée ; des pertes post-récolte réduites grâce au transport et la logistique plus efficaces ; des risques d’investissement réduits grâce à une utilisation plus efficace des capacités installées ; d’un approvisionnement durable des quantités et des qualités requises aux dates de livraison convenues ; d’une solution aux problèmes des acheteurs concernant l’accès à la terre et à la main-d’œuvre ; des risques d’approvisionnement réduits par rapport au marché au comptant ; des risques liés aux maladies/ intempéries réduits grâce à la diversification géographique ; des risques de commercialisation réduits grâce à une meilleure adéquation entre l’approvisionnement et les besoins des clients ; des approvisionnements plus consistants grâce à un meilleur contrôle du processus de production et de la qualité ; des réponses plus flexibles à la croissance/déprime du marché avec moins d’actifs fixes et une réputation et des relations publiques améliorées dues au modèle d’affaire inclusif d’agriculture contractuelle.

Quels sont les pistes que peuvent exploiter  nos Etats pour une agriculture contractuelle inclusive ?

Nos États peuvent jouer un rôle primordial pour le développement d’une agriculture contractuelle inclusive, ceci en mettant en place plusieurs axes d’actions. Le premier axe d’actions possible de l’Etat est la création d’un environnement macroéconomique et institutionnel favorable, à travers la mise en place d’un cadre légal et réglementaire relatif à l’investissement privé et au commerce ; d’un système judiciaire effectif ; d’une politique fiscale incitative ; des législations sur le travail et sur les organisations des producteurs ; d’une politique de changes réaliste, etc. Cela inclut également l’existence d’infrastructures de communication, d’approvisionnement en eau et en énergies. Par ailleurs, un environnement économique offrant l’accès aux infrastructures routières, à l’eau ou à l’énergie au plus grand nombre faciliterait le développement des schémas contractuels et, en particulier, l’insertion d’une diversité d’exploitations agricoles.

Le second axe d’actions est la promotion des schémas contractuels, au-delà de créer un environnement favorable et comme souligné précédemment, l’Etat peut être un promoteur majeur de l’agriculture contractuelle. La volonté politique est en effet un facteur explicatif important du développement des schémas contractuels. En effet, cela pourrait se traduire par : des législations des actions favorisant la reconnaissance, le respect et la sécurisation des droits fonciers des populations et souvent par voie limitant l’appropriation foncière. L’existence de droits fonciers sécurisés pour les agriculteurs sous contrat est nécessaire pour le promoteur par exemple l’agro-industrie et le producteur qui doivent avoir la garantie d’un retour sur investissements. L’absence de formalisation des droits fonciers des producteurs (propriétaires exploitants un faire-valoir direct ou tenancier) n’a pas entravé le développement des schémas contractuels et l’exigence d’une telle reconnaissance de propriété par l’agro-industrie pourrait au contraire conduire à l’exclusion de nombreux producteurs, due au coût élevé et la complexité de l’obtention du titre foncier dans certains pays africains. Ainsi, les dispositions foncières peuvent être locales et basées sur la reconnaissance sociale.

Enfin, le troisième axe d’actions d’un Etat est de favoriser l’insertion des petits producteurs en contribuant à pallier les risques auxquels ils pourraient être confronter en lien avec l’agriculture contractuelle, à travers des appuis aux organisations de producteurs, des appuis financiers directs (investissements publics dans les infrastructures, la recherche agricole, la vulgarisation et la formation) et des actions pour le renforcement de leurs capacités de négociation, et autres pour favoriser les « bonnes pratiques d’agriculture contractuelle » et les prix.

En définitive, le secteur public et privé pourrait promouvoir le développement agricole à travers l’agriculture contractuelle inclusive. Pour y parvenir, il est d’autant plus important de tenir compte des spécificités du terrain, et des multiples conditions préalables au succès d’un tel projet. Le numérique peut également jouer un rôle majeur dans ce sens. Nous y reviendrons sûrement dans de prochains articles.

Nous restons disponibles pour vous accompagner en cas de besoin dans la réalisation et le suivi de vos projets agricoles.

C’est justement l’un des accompagnements que propose Crystal Agri Business – de la Ferme à l’Assiette.

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Cet article est une contribution de Florent Toto, Agronome socio-économiste, Spécialiste en agro-développement. Il est disponible sur LinkedIn et Facebook.

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