Bénin : Interdiction de l’exportation du Soja, restructuration ou renversement de la filière ?

Chers lecteurs, avant d’aborder cet article, Crystal Agri Business tenait à rendre un Hommage mérité à un acteur de la filière soja du Bénin que nous avons perdu dans le drame de Dassa-Zoumè. Que repose en paix Fortuné AMONSOU BIAOU, ex-Directeur exécutif de l’Union Nationale des Coopératives de Producteurs de Soja du Bénin.

Le présent article aborde la question liée à la décision du Conseil des ministres du 12 Octobre 2022 portant sur l’interdiction de l’exportation du soja grain et qui sera mise en vigueur à la date de 1er Avril 2024. Cette interdiction suscite des polémiques au sein des acteurs du secteur agricole au point où d’aucuns s’interrogent sur l’avenir de la filière soja au Bénin. En effet, les acteurs se demandent si la filière soja profiterait aux paysans qui faisaient de cet oléagineux un gain rentable par le commerce brut. D’autres par contre se questionnent sur la possibilité de restructuration de la filière après celle de l’or blanc et de l’anacarde.

Depuis le début des années 2000, les exportations du grain de soja ont connu une évolution massive compte tenu de l’utilité de la céréale dans la production agroalimentaire. D’après Ecyclopedia Universalis, exportation de cette merveilleuse culture agricole est passée de 45 Millions de tonnes à 90 Millions. Cette explosion des exportations du soja tire sa source du besoin imposant qu’expriment certaines grandes puissances dont la Chine et les pays de l’Union Européenne. Ceci étant, elle serait peut-être l’une des filières qui révèlera davantage l’Afrique et ses pays producteurs sur le marché du commerce international.

Cette contribution de Jérémie Codja mène une réflexion sur l'interdiction de l’exportation du Soja au Bénin : restructuration ou renversement de la filière ? Share on X

Soutenue par les institutions internationales à travers plusieurs projets/programmes, l’expansion de la production du Soja connait plus de succès avec les producteurs, même si elle fait face à certaines difficultés du secteur agricole, telles que les aléas climatiques, la cherté et la rareté de la semence certifiée et les déficits des infrastructures de commercialisation, qui d’ailleurs sont unanimes à toutes les productions agricoles et producteurs de la sous-région. Au cours du rapport 2020 de l’UE sur l’importation de la légumineuse dans l’espace Schengen, quatre pays africains figuraient dans les Top 7 des pays fournisseurs. Nous avons en premier le Togo qui est appuyé par le Programme de Développement de l’Agriculture (ProDRA) et le Programme global de Centre d’Innovations Vertes pour le secteur agroalimentaire (ProCIV-Togo), tous deux initiés par la GiZ et le Projet d’Appui au Secteur Agricole. Le Togo en 2020 a occupé le premier rang (37,1%) devant l’Ukraine (20,9%), le grand producteur mondial du soja.   Après le Togo vient l’Ouganda en 5è position et notre pays le Bénin en 6è position. Le Bénin de même, a été soutenu par la GiZ avec le programme ProAgri (Promoting Agriculture in Benin) et le projet de ProCar. Dans l’optique d’organiser la filière au Burkina Faso, la Fondation Agropol et Avril ont créé une structure de type interprofessionnel tout en réunissant les organisations des producteurs et transformateurs dénommée Association de Promotion et de Développement de la filière Soja (APDS-B). Cette restructuration a permis au pays d’occuper le 7è rang selon le rapport de l’UE.

Tout ceci ratifie avec certitude que la légumineuse n’est pas une culture ordinaire mais une culture au rang des culture d’Or qu’il faut mettre à l’abri. De plus, toutes ces subventions ont permis à la filière soja de connaître un véritable essor depuis 2017. Au Bénin par exemple, selon la Fondation Le Rural la récolte a atteint 156 900 tonnes en 2017. Mais en 2021, le soja est l’une des cultures vivrières le plus cultivée dont la récolte a en effet atteint 293 953 tonnes ; environ 254 000 tonnes.

Un tel rendement doit pousser à une exportation du produit sans excuse afin de renforcer l’économie nationale. Cependant cette opportunité qui devrait profiter aux producteurs et les avals de la filière a été prohibée par le gouvernement béninois, qui fixa également le prix de ce dernier à 190Fcfa/kg.

Y-a-t-il une raison fondamentale et persuasive dans ce choix fait par le Gouvernement ? Et quel gain ressort de cette décision des professionnels de cette filière ?

Cette décision nationale poursuit avec ardeur la restructuration de la filière qui consiste à créer des familles professionnelles représentatives et une interprofession pouvant mieux organiser le secteur à l’instar du coton et de l’anacarde. Cette représentation et l’Interprofession passeront par la détention d’un agrément qui donne librement accès à la commercialisation du Soja après la satisfaction des besoins des industries locales avant de s’orienter vers l’écoulement hors des frontières béninoises. Autrement dit, cette mesure vise selon les autorités, à favoriser la mise sur pied des usines de transformation et à améliorer la valeur ajoutée générée par la filière qui a considérablement augmenté son rendement depuis 5 ans. Cette mesure met fin non seulement au commerce brut (un processus qui prive les pays d’une part importante de la valeur ajoutée qui peut être créée via la transformation locale) de la filière mais exige également aux responsables étatiques un investissement dans la production pour répondre à la demande des partenaires en norme et en qualité ; ce que nous pouvons appeler la politique de diversification des exportations. Une telle politique ne doit pas semer la discorde ni le découragement et pire encore l’abandon de la filière mais au contraire elle doit être soutenue par les producteurs et les commerçants de l’oléagineux. L’objectif (valable pour tous les secteurs économiques) à tous les niveaux en matière d’exportation serait d’être le plus grand fournisseur au sein de Zlecaf (Zone de libre-échange continental africaine) et également auprès de l’UE.

En dépit de toutes les contraintes qu’impose cette mesure, les acteurs et surtout entrepreneurs agroalimentaires doivent avoir un réflexe d’innovation. Ce moment, au lieu d’être consacré aux critiques face à la mesure, devrait plutôt être l’opportunité de réfléchir sur les transformations et les valeurs ajoutées qu’il est possible de créer avec le soja. L’exportation du grain est interdite mais pas sa transformation agroalimentaire en : huile, lait, yaourt, farine, tourteau, tofu, dessert, lécithine, etc.  Cette culture dans son état miraculeux doit être valorisée surtout qu’il est également un produit émulsifiant utilisé comme addictif alimentaire dans les plats préparés ainsi que dans la fabrication du chocolat. Même dans le processus écologique de la protection de nos terres agricoles, le soja fixe l’azote dans le sol et améliore la fertilité des sols. L’une des meilleures manières de booster ces innovations, et d’influencer le marché agricole et agroalimentaire, est de fonctionner en coopération, groupement mixte et bien organisé : un défi rempli de maintes exigences mais qui est plein d’opportunité à toute coopération qui s’y donne.

En définitive, on ne saurait dire que la filière soja est en déclin au Bénin. Il s’agit d’une restructuration, longtemps attendue des acteurs afin de miser sur les économies d’échelles. C’est donc une responsabilité collective et la présente analyse n’a pas abordé tous les aspects du développement de la filière soja. Nous y reviendrons sûrement dans d’autres tribunes consacrées.

Merci d’avoir lu cet article jusqu’à la fin. Nous restons disponibles pour vous accompagner en cas de besoin dans vos projets/programmes dans le secteur agricole au Bénin, en Afrique et au-delà…

C’est justement la raison d’être de Crystal Agri Business – de la Ferme à l’Assiette.

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l’exportation du soja

Cet article est une contribution de Jérémie Codja, Administrateur de projets, activiste pour l’environnement et le développement agricole. Il reste disponible sur LinkedIn et Facebook.

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